La Convention

25 SEPTEMBRE 1792 – LE SERMENT CIVIQUE DE JEAN FRANÇOIS JENOT  

 

La municipalité de Moulins reçoit, copie des lois des 14 et 15 août 1792, le dimanche 23 septembre. « Après affiches faites à la porte de l'église, le 23 du courant », elle convoque les intéressés le mardi suivant à trois heures de relevée :

 

« L'an mil sept cent quatre vingt douze, le vingt cinq septembre, trois heures de relevée après affiche faite à la porte de l'église le 23 du courant annonçant que conformément à la Loi relative au serment à preter des fonctionnaires publics de meme qu’à celle relative à tous français recevant traitement ou pension de la Nation du 14 et 15 août. Le conseil général de la commune seroit assemblé au lieu ord(inai)re de ses séances le mardi vingt cinq pour y prêter en séance le serment voulu par la loi du quinze et recevoir en meme teins celui des citoyens recevant traitement ou pension de l'état.

Ledit conseil s’etant en effet assemblé le dit jour que dessus, après avoir été convoqué au son de la cloche et à la maniere accoutumé au lieu ord(inai)re de ses séances, savoir les sieurs Nicolas Doué, Michel Leclerc, tous deux officiers municipaux, Gury Clause, François Gavard, Albert Clément, et François Tribout et Monsieur Jenot curé de Moulins tous cinq notables se sont aussi trouvés Jean Baptiste Thomy, Jean Cuncher et Jacques Démenége tous trois invalides et pensionnés de l'état. Le maire de la commune absent pour les affaires de la dite commune, dans ce moment est intervenu le procureur de la commune qui a repris l'exécution des susdites Loix. En conséquence le premier officier municipal a prêté le Serment voulu a haute voix et a reçu ensuite le meme serment des sus-nommés qui ont Signé et Sous Marqué.

Moulin les jours et an que dessus et en cas de besoin le greffier sous signé a aussi prêté ledit serment. » (Je n’ai pas corrigé les fautes)

 

Serment de l’abbé Jean François Jenot /  Archives municipales de Moulins

 

9 Décembre 1792 – Jean François Jenot, Procureur de la Commune

 

Le dimanche 09 décembre 1792, les Moulinois renouvellent, par élection, le personnel municipal et choisissent comme procureur de leur commune Jean François Jenot. En clair, chargé de défendre les intérêts de Moulins, le curé représente la commune, en justice, le cas échéant.

Archives municipales de Moulins

 

24 Février 1793 – La  Levée de 300 000 Hommes

 

Du fait que « les despotes coalisés menacent la liberté » la Convention décrète la levée de 300 000 hommes :

 

« La Convention nationale déclare à tous les Français que les despotes coalisés mena­cent la liberté ; en conséquence, elle décrète :

Art. Ier Tous les citoyens français, depuis l’âge de 18 ans jusqu'à 40 ans accomplis, non mariés, ou veufs sans enfants, sont en état de réquisition permanente, jusqu'à l'époque du complément du recrutement effectif des 300 mille hommes de nouvelle levée décrétée ci-après.

Art. 2 Le conseil exécutif, et subsidiairement les généraux des armées de la République pour­ront requérir lesdits citoyens : les généraux en  rendront compte  au  conseil exécutif ;

 le conseil exécutif à la Convention  nationale, du nombre  de ceux qui auront été requis, et des départements à qui les diverses  réquisitions auront été faites. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

En attendant la création du Comité de Salut public, décret du 6 avril 1793, c’est « au conseil exécutif de la Convention nationale » que les généraux doivent rendre compte. Depuis la déposition du roi, l’Assemblée nationale détient et le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. La Convention dispose ainsi de pouvoirs dictatoriaux. Après l’élimination des Girondins, un parti unique – celui des Jacobins – dirige la France. Nous entrons, de ce fait, dans la période de la Terreur. Le Comité de Salut doit rendre des comptes à la Convention. Mais laissons la parole à Jules Michelet :

 

« C’était un roi, en réalité, mais renouvelé de mois en mois, et qui devait, chaque semaine, rendre compte à la Convention … ».

 

9 Mars 1793 – L’Envoi des Représentants en Mission dans les Départements

 

« La Convention nationale, après avoir en­tendu le rapport de ses comités de défense générale et de la guerre réunis, considérant que, dans un pays libre, chaque citoyen se doit tout entier au salut de la République, décrète ce qui suit :

Art. Ier Des commissaires tirés du sein de la Con­vention nationale se rendront, sans délai, dans les divers départements de la République, à l'effet d'instruire leurs concitoyens des nou­veaux dangers qui menacent, la patrie, et de rassembler des forces suffisantes pour dissiper les ennemis.

Art. 2 Les commissaires seront au nombre de quatre-vingt-deux, lesquels se diviseront en quarante et une sections, de deux membres cha­cune ; ces membres parcourant ensemble deux départements, suivant l'ordre qui sera indiqué ci-après. Le département de Paris est excepté, ainsi que ceux de la Corse, du Mont-Blanc, de Jemappes, et les diverses parties de cette dernière frontière, nouvellement réunies au territoire de la République, lesquelles demeu­rent confiées aux soins des commissaires qui se trouvent déjà, en vertu des précédents dé­crets, près des armées de la République.

Art. 3 Les commissaires composant la première section parcourront les départements du Nord et du Pas-de-Calais ;

Ceux de la 4e, la Meurthe et la Moselle ;…

Art. 4 Les commissaires sont autorisés à prendre toutes les mesures qu'ils jugeront nécessaires, pour faire compléter à l'instant, dans chacun de départements qu'ils auront à parcourir, le contingent fixé par la loi du 21 février, et même à requérir au besoin tous les citoyens en état de porter les armes, ou partie quelconque d’entre eux, suivant le mode qui leur paraîtra le plus convenable, à la charge de rendre sur-le-champ compte des mesures qu’ils auront prises à la Convention nationale..

Art. 5 Les commissaires sont également autorisés à requérir tous les citoyens qui ne joindront pas les armées, de déposer leurs armes de guerre, ainsi que les habillements et équipe­ments  militaires, ou tous autres objets relatifs à l'approvisionnement des  armées, dans les ma­gasins qu'ils indiqueront ; sauf les  indemnités  fixées par la loi, ou à dire d'experts, par  les conseils généraux des communes.

Art. 6  Les chevaux et mulets non employés à l'agriculture ou aux arts de première néces­sité, seront également livrés sur leur réquisition; sauf l'indemnité qui sera fixée, à dire d'experts, par les conseils généraux des com­munes ; laquelle disposition s'étend à tous, les départements.

 Art. 7  Les directoires de district remettront aux commissaires de la Convention nationale un état des chevaux de luxe qui se trouvent dans l'étendue de leur territoire, avec le nom des ci­toyens à qui les chevaux appartiennent.

Art. 8 Les commissaires de la Convention natio­nale .pourront exiger de toutes les autorités constituées les comptes de leur administration. Ils auront le droit de prendre toutes les mesures qui leur paraîtront nécessaires pour éta­blir l'ordre partout où il serait troublé ; de suspendre provisoirement de leurs fonctions, et même de faire mettre en état d'arrestation ceux qu'ils trouveraient suspects ; de requérir au besoin la force armée ; à la charge de prendre tous leurs arrêtés en commun et d'en faire passer copie sur-le-champ à la Convention na­tionale. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

Ce décret fait suite à celui du 24 février 1793. Les recruteurs se trouvaient, me semble-t-il, dans l’impossibilité d’enrôler les 300 000 hommes. La lettre des commissaires de la Convention nationale aux armées du Rhin, des Vosges et de la Moselle nous en donne la preuve ainsi qu’une explication. Les chevaux et les mulets n’échappent pas à la conscription…

Nous pouvons considérer le décret du 9 mars 1793 comme l’institution de l’armée de conscription dont les prêtres sont dispensés, si je me réfère à la lettre des commissaires de la Convention nationale aux armées du Rhin, des Vosges et de la Moselle.

 

«Les commissaires instruisent l’Assemblée que la plus grande entrave qu’ils ont éprouvée dans les opérations politiques en cette contrée, provient de la crainte qu’ont tous les habitants d’être obligés d’être soldats, dès qu’ils auraient prêté le serment de la liberté et de l’égalité, qu’ils ont été forcés de prendre un arrêté relatif aux prêtres salariés qu’on voulait comprendre dans l’appel des 300 000 hommes. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

21 Mars 1793 – Les Comités Révolutionnaires dans les Communes

 

Consultons le Dictionnaire de la Révolution qui nous renseigne sur ces comités :

 

« La loi de la Législative .du 11 avril 1792 avait confié la police de sûreté générale aux administrations locales. Les municipalités créèrent alors des comités dits de surveillance ou encore révolutionnaires, et bien des sociétés populaires s'arrogèrent aussi un pouvoir de police. Il y eut, au total, quelque vingt mille comités sur tout le territoire, infrastructure indispensable au règne de la Terreur. Les sociétés populaires affiliées au club des Jacobins formaient une bonne partie de cette infrastructure policière omniprésente. Le décret du 21 mars 1793 légalisa ces comités en ordonnant pour chaque commune la création d'un comité de surveillance de 12 citoyens. Chargés au départ de surveiller uniquement les étrangers et les suspects, ils reçurent, par le décret du 17 septembre 1793, un pouvoir de police pour arrêter tous « les ennemis de la liberté ». Enfin, la loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) les intégra dans l'organisation du gouvernement révolutionnaire sous le contrôle des Comités de salut public et de sûreté générale. L'abandon de la Terreur après le 9 thermidor marque la disparition de tous ces comités. »

 

Intéressons-nous Archives parlementaires :

 

«La Convention nationale, considérant, qu'à l'époque où des despotes coalisés menacent la  République, plus  encore par les  efforts de leurs  intrigues, que  pa r le  succès de leurs armes, il est de son devoir de prévenir les complots liber­ticides ;

Considérant, qu’ayant reçu du peuple fran­çais la mission de lui présenter une Constitu­tion

 fondée  sur  les  principes  de  la liberté  et de l'égalité, elle  doit, en  redoublant de surveillance, empêcher que les ennemis de l'intérieur ne parviennent à étouffer le voeu des patriotes, et ne substituent des volontés privées à la vo­lonté générale ;

Voulant enfin donner aux magistrats du peuple tous les moyens d'éclairer le mal et, d'en arrêter les progrès, décrète ce qui suit :

TITRE Ier

Art. Ier Il sera formé, dans chaque commune de la république, et dans chaque section des communes divisées en sections, à l'heure qui sera indiquée à l'avance par le conseil général, un comité composé de douze citoyens.

Art. 2 Les membres de ce comité qui ne pourront être choisis, ni parmi les ecclésiastiques, ni parmi les ci-devant nobles, ni parmi les ci-devant seigneurs de l'endroit et les agents des ci- devant seigneurs, seront nommés au scrutin et à la pluralité relative des suffrages.

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

24 Mars 1793 – Jean François Jenot, Notable

« Les citoyens composant la communauté de Moulins » choisissent un nouveau procureur, pour se mettre en conformité avec l'arrêté départemental du 27 février dernier ainsi qu’à l’arrêté du 22 janvier dernier, et renouvellent leur confiance à Jean-François Jenot, en l'élisant comme “notable”, par quarante voix sur quarante et un votants. En tant que notable, il assiste aux délibérations du conseil général de la commune. Au cours de ces dernières, il ne peut qu'opiner, mais non voter.

Archives municipales de Moulins

 

17 Septembre 1793 – La Loi des Suspects

 

Base juridique de la Terreur, la « Loi des Suspects » du 17 septembre 1793 sépara le bon grain de l'ivraie. Les comités de surveillance, en effet, dressèrent des listes et distribuèrent les brevets de civisme ou d'incivisme citoyen ou suspect. Les agents nationaux, dans les campagnes, et les représentants en mission, dans les villes, ces « missi dominici » nouvelle formule, mais authentiques tyrans à l'échelon local, en surveillèrent l'application. Pouvaient être ainsi taxés de suspicion toutes celles et tous ceux qui « par leurs relations de famille ou d'amitié, leur attitude ou leur rôle public, leurs discours présents ou passés, leur classe sociale doivent être considérés comme défavorables au régime nouveau ». Par cette loi inique, des millions de Français tombèrent dans la catégorie des suspects. Le prêtre réfractaire, par ses relations, par son attitude, par son discours, par sa classe sociale, représentait le type idéal du « suspect ». Malheureusement, le prêtre constitutionnel n'échappa pas, lui non plus, à la loi.

En intégralité, le texte de cette loi scélérate :

 

« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport (MERLIN (de Douai), rapporteur de son comité législation sur le mode d'exécution de son décret du 12 août dernier, décrète ce qui suit :

Art. ler Immédiatement après la publication du pré­sent décret, tous les gens suspects qui se trouveront dans le territoire de la République, et qui sont encore en liberté, seront mis en état d'arresta­tion.

Art. 2 Sont réputés gens suspects : 1° ceux qui, soit  par leur conduite, soit par leurs relations, soit par leurs propos ou leurs écrits, s’annoncent comme partisans de la tyrannie et ennemis de la liberté ; 2° ceux qui n’ont pas justifié, de la manière prescrite par la loi du 21 mars dernier, de leurs moyens d'exister et de l'acquit de leurs devoirs civiques ; 3° ceux à qui il a été refusé des certificats de civisme; 4° ceux qui sont suspendus de leurs fonctions par la Convention nationale ou par ses commissaires ; 5° ceux des ci-devant nobles, ensemble  les pères, mères, fils ou filles, frères ou soeurs, et agents d'émigrés, qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution.

Art. 3 Les comités de surveillance établis d'après la loi du 21 mars dernier, ou ceux qui leur ont été substitués, soit par les arrêtés des représentants du peuple envoyés près les armées et dans les départements, soit en vertu des décrets particu­liers de la Convention nationale, sont chargés de dresser, chacun dans son arrondissement, la liste des gens suspects, de décerner contre eux les mandats d'arrêt, et de faire apposer les scellés sur leurs papiers. Les commandants de la force publique, à qui seront remis ces mandats, seront tenus de les mettre à exécution sur-le-champ, sous peine de destitution.

Art. 4 Les membres du comité ne pourront ordonner l'arrestation d'aucun individu, sans être au nombre de 7, et qu'à la majorité absolue des voix.

Art. 5 Les individus arrêtés comme suspects seront d'abord conduits dans les maisons d'arrêt du lieu de leur détention ; à défaut de maison d'arrêt, ils seront gardés à vue dans leurs demeures respec­tives.

Art. 6 Dans la huitaine suivante, ils seront trans­férés dans les bâtiments nationaux que les Admi­nistrations de département seront tenues, aussitôt après la réception du présent décret, de désigner et faire préparer à cet effet.

Art. 7 Les détenus pourront faire transporter dans ces bâtiments les meubles qui leur seront d'une absolue nécessité : ils y resteront gardés jusqu'à la paix.

Art. 8 Les frais de garde seront à la charge des déte­nus, et seront répartis entre eux également : cette garde sera confiée de préférence aux pères de famille, et aux parents des citoyens qui sont ou marcheront aux frontières. Le salaire en est fixé, par chaque homme de garde, à la valeur d'une journée et demie de travail.

Art. 9 Les comités de surveillance enverront, sans délai, au comité de Sûreté générale de la Conven­tion nationale l'état des personnes qu'ils auront fait arrêter, avec les motifs de leur arrestation, et les papiers qu'ils auront saisis sur elles.

Art. 10 Les tribunaux civils et criminels pourront, s'il y a lieu, faire retenir en état d'arrestation, comme gens suspects, et envoyer dans les mai­sons de détention ci-dessus énoncées, les préve­nus de délits à l'égard desquels il serait déclaré n'y avoir pas lieu à accusation, ou qui seraient acquittés des accusations portées contre eux. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

Automne 1793 – La Déchristianisation s’accélère…

 

Consultons, à nouveau, le dictionnaire de la Révolution :

 

« L'an II voit le triomphe d'une politique systématique de déchristianisation. On passe de la proscription des prêtres réfractaires à l'interdiction du culte. Il s'agit de bannir le christianisme d'une vie quotidienne qu'il a profondément imprégnée : croix et images pieuses sont dé­truites, les fêtes religieuses interdites. Le mouvement commence le 5 octo­bre 1793 avec le décret sur le calendrier révolutionnaire et se trouve amplifié par la volonté de certains représentants en mission comme Fouché qui, dans la Nièvre, interdit toute manifestation exté­rieure du culte. Appuyés par les armées révolutionnaires, les repré­sentants vont ensuite passer à la fermeture et au pillage des églises. Point culminant : la cérémonie du culte de la Raison à Notre-Dame le 10 novembre 1793. Mais la Convention s'inquiète d'un mouvement qui n'est pas l'application d'une décision prise au sommet et qui risque de détacher les catholiques de la Révo­lution. Un discours rappelle à l'ordre les hébertistes. Le mouvement va décroître, pour repartir après le coup d'État du 18 fructidor. »

 

5 Octobre 1793 – Le Calendrier  Républicain

 

L'Ancien régime ne pouvait disparaître qu'avec l'abolition de « l’ère vulgaire ». Première étape dans la déchristianisation, la Convention adopta, le 5 octobre 1793, le décret instituant le nouveau calendrier. L'année se divisait en douze mois de trente jours, inspirés par les saisons; chaque mois, en trois décades, dont le dernier jour, le décadi, remplaçait le dimanche. Cinq jours de fêtes républicaines, journées sans-culottides ou complémentaires, dédiées à la Vertu, au Génie, au Travail, à l'Opinion, aux Récompenses, complétaient l'année. Les années bissextiles comprenaient une sixième journée complémentaire, dédiée à la Révolution. Avec effet rétroactif, l'ère républicaine débutait le 22 septembre 1792, date de la proclamation de la Première République. L'année républicaine commençait le jour de l'équinoxe d'automne : journée de l'égalité parfaite entre le jour et la nuit.

Mois de l'année :

 

Ø automne : vendémiaire, brumaire, frimaire

Ø hiver : nivôse, pluviôse, ventôse

Ø printemps : germinal, floréal, prairial

Ø été : messidor, thermidor, fructidor.

 

Jours de la décade :

 

Ø primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi et décadi.

 

Le signe d'un objet, d'un légume, d'un fruit ou d'un animal, remplaçait le nom du Saint du cycle sanctoral : le raisin, la carotte, l'âne, le cheval au lieu de la Saint-Jean, la Saint-Rémy, la Saint-Martin...

Prenons l’exemple  du calendrier républicain de la Saint Thomas à la Saint Eìtienne ; en clair du 21 au 26 décembre 1793 :

 

Ø 21 décembre  Saint-Thomas        primidi   1er nivôse  an 2 Tourbe

Ø 22   ?                                          duodi     2   nivôse  an 2 Houille

Ø 23   ?                                          quartidi  3   nivôse  an 2 Bitume

Ø 24  Vigile de la Nativité               quintidi   4   nivôse  an 2 Soufre

Ø 25  Noël                                     sextidi    5   nivôse  an 2 Chien

Ø 26  Saint-Étienne                        septidi    6   nivôse  an 2 Lave

 

Les Français fêtaient le Chien (qui n’était pas chômé) à la place de Noël… Quant au repos hebdomadaire, il passait de … 52 à 30 jours … ; les jours de fête religieuses … de 12 à 1 : en effet, la Convention thermidorienne supprima, le 19 fructidor an III (5 septembre 1794), 4 journées de fêtes républicaines et de repos ; les journées sans-culottides, au nombre de 5. La Convention offrit ainsi aux travailleurs 31 jours de repos, alors que  « l’ère vulgaire » leur permettait de chômer, à ce titre, quelque 66 jours, si l’on y ajoute les 2 jours de fête de la paroisse et de la corporation. Ne nous étonnons plus du rejet du calendrier républicain…

Jusqu’au 17e siècle, les fêtes de commandement (chômées) s’élevaient à quelque 50 jours que le pape Urbain VIII ramena à 25 jours (bulle Universa de 1627). Dans notre diocèse, le nouveau rituel diocésain de 1713, plus généreux que la bulle pontificale, les ramena lui à 32 jours, soit 34 en y ajoutant les 2 jours de fête de la paroisse et de la corporation. Monseigneur Claude de Rouvroy de Saint-Simon,  au cours de l’année 1747, plus radical, les réduisit à 12 jours et se justifia en ces termes :

 

« La profanation de ces jours sacrés est un scandale où la licence prend la place des exercices de religion et où un jour de fête absorbe dans les divertissements criminels le gain d’une semaine de travail. »

 

Afin de mieux comprendre l’esprit du temps, consultons à nouveau, le dictionnaire de la Révolution :

 

« CALENDRIER RÉPUBLICAIN. Les hommes de la Révolution étaient tout à fait conscients de la rupture qu'ils créaient et l'astro­nome Lalande écrivait dans Le Moniteur, dès le 17 mai 1790 : « Le moment où La France vient d'être régénérée, où l'amour de la liberté fait... des conquêtes étendues... n'est-il pas le moment de proposer un changement de calendrier ? » Il propose de faire débuter l'année au ler avril, avec le printemps. Le même Moniteur paraît, le 14 juillet 1790, avec la mention du « premier jour de la deuxième année de la liberté ». Le 21 août 1792, il est daté de « l'an, quatrième de la liberté et le premier de l'égalité ». Le 24 septembre suivant apparaît la mention « An premier de la République fran­çaise ». Dans cet esprit de refus du passé, la Convention confie à son comité d'instruction publique le soin d'établir un calendrier nouveau. Ce comité regroupe des savants et des hommes de lettres. Les premiers suggèrent le système décimal et apportent leurs connaissances des temps astronomiques, les seconds leur inspiration antichrétienne… »

 

Les savants et les lettrés, des athées ou des agnostiques, savaient pertinemment que l’univers ne s’était pas créé en six jours :

 

« Ainsi  furent  achevés les  cieux et la terre, et toute  leur armée.  Dieu acheva au septième    jour son oeuvre, qu'il avait faite; et il se reposa au septième jour de toute son oeuvre, qu'il avait faite. Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu'en ce jour il se reposa  de toute son oeuvre qu'il avait créée en la faisant. » (Genèse Chapitre 2 – Versets 1et 2)

 

Cette fable de la Genèse correspondait à la capacité de l’activité humaine (6 jours de pleine activité, suivis d’une journée de détente). La « césure temporelle » permettait à l’être humain de reprendre son activité, frais et dispos. Pour faire accepter ce principe par les humains, les auteurs de la Genèse l’attribuèrent au Créateur. Et les créatures, en se détendant, ne faisaient qu’imiter leur Créateur…

Pour l’année, nos savants et lettrés auraient dû adopter un système de numération de base sept, 13 mois de 28 jours plus 1 jour épagomène ; 2 jours, les années bissextiles. Le septième jour aurait été le jour de détente. L’Église n’aurait eu aucune difficulté d’y adapter son ordo, le calendrier liturgique. Et Noël tombait, tous les ans, le deuxième jour de la quatrième semaine du dernier mois de l’année.

 

« La Convention nationale, après avoir en­tendu son comité d'instruction publique, décrète ce qui suit :

Art. 1er L’ère des Français compte de la fondation de la République, qui a eu lieu le 22 septembre 1792 de l'ère vulgaire, jour où le soleil est arrivé à l'équinoxe vrai d'automne, en entrant dans le signe de la balance à 9 h. 18 m. 30 s. du matin, pour l’observatoire de Paris.

Art. 2 L'ère vulgaire est abolie pour les usages civils.

Art.3 Le commencement de chaque année est fixé à minuit commençant le jour où tombe l'équi­noxe vrai d'automne pour l'observatoire de Paris.

Art. 4 La première année de la République française a commencé à minuit 22 septembre 1792, et a fini à minuit séparant le 21 du 22 septembre 1793.

Art. 5 La deuxième année a commencé le 22 sep­tembre 1793 à minuit, l'équinoxe vrai d'au­tomne étant arrivé pour l'observatoire de Paris à 3 h. 7 m. 19 s. du soir.

Art. 6 Le décret qui fixait le commencement de la seconde année au 1er janvier 1793, est rapporté ; tous les actes datés l'an II de la République, passés dans le courant du ler janvier au 22 sep­tembre exclusivement, sont regardés comme appartenant à la première année de la Répu­blique.

Art. 7 L'année est divisée en douze mois égaux de trente jours chacun, après lesquels suivent cinq jours pour compléter l'année ordinaire et qui n'appartiennent à aucun mois. Ils sont appelés les jours complémentaires.

Art. 8 Chaque mois est divisé en trois parties égales, de dix jours chacune, et qui sont appelées dé­cades, distinguées entre elles par première, se­conde et troisième.

Art. 9 Les mois, les jours de la décade, les jours complémentaires, sont désignés par les dénominations ordinales : premier, second, troisième, etc. ; mois de l’année : premier, second, troisième, etc. ; jours de décade ; premier, second, troisième, etc. ; jour complémentaire.

Art. 10 En mémoire de la Révolution qui, après quatre ans, a conduit la France au gouvernement répu­blicain, la période bissextile de quatre ans est appelée la Franciade.

Le jour intercalaire qui doit terminer cette pé­riode est appelé le jour de la Révolution. Ce Jour est placé après les cinq complémentaires.

Art. 11 Le jour, de minuit à minuit, est divisé en dix parties, chaque partie en dix autres, ainsi de suite, Jusqu'à la plus petite portion commensurable de la durée. Cet article ne sera de rigueur pour les actes publics, qu'à compter du premier jour du premier mois de la treizième année de la République.

Art. 12 Le comité d'instruction publique est chargé de faire imprimer en différents formats le nouveau calendrier, avec une instruction simple pour en expliquer les principes et les usages les plus familiers.

Art. 13 Le nouveau calendrier, ainsi que l'instruc­tion, seront envoyés aux corps administratifs, aux municipalités, aux tribunaux, aux juges de paix et à tous les officiers publics, aux instituteurs et professeurs, aux armées et aux sociétés popu­laires. Le conseil exécutif provisoire le fera passer aux ministres, consuls et autres agents de France dans les pays étrangers.

Art. 14 Tous les actes publics seront datés suivant la nouvelle organisation de l'année.

Art. 15 Les professeurs, les instituteurs et institutrices, les pères et mères de familles, et tous ceux qui dirigent l'éducation des enfants de la Répu­blique, s'empresseront de leur expliquer le nou­veau calendrier, conformément à l'instruction qui y est annexée.

Art. 16 Tous les quatre ans, ou toutes les Franciades, au jour de la Révolution, il sera célébré des jeux républicains, en mémoire de la Révolution fran­çaise. »

Projet du calendrier avant discussion /  Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

Tableau de concordance des calendriers républicain et grégorien

 

    Documents Archives parlementaires  / BNF – Gallica                       Documents Robert Laffont

Le Conseil du Département de la Moselle

 

 

Remontons quelque peu le temps : 13 septembre 1793, soit 4 jours avant que la Convention ne vote la loi des suspects. En séance publique, un arrêté du conseil du département nous démontre que ledit conseil se trouve dans l’air du temps. Cet arrêté se décompose en trois volets :

 

Ø le cas qui leur est soumis, l’exposé ;

Ø les considérations qui motivent leur arrêté, les considérants ;

Ø la décision, l’arrêté.

 

Commençons par l’arrêté :

 

« Arrête, le Procureur général entendu, que tous les ecclésiastiques, prêtres ou non, qui n'auront pas au-dessus de soixante ans, non infirmes, et qui sont pensionnés par la nation, sans être employés au service du culte, seront tenus, dans huitaine de la publication du présent délibéré, de demander à l'évêque et d'accepter de lui, les fonctions qu’il jugera à propos de leur donner, après avoir rempli toutes les formalités prescrites par les lois relatives aux serments,  sous peine d'être privés de leurs traitements, que le présent sera imprimé, traduit dans les deux langues et affiché partout où besoin sera et qu'expédition en sera envoyée à la Convention et au Pouvoir exécutif. »

René Paquet / L’Histoire de Metz pendant la Révolution

 

Probablement, s’agit-il d’une pénurie de desservants, dans la zone germanophone, puisqu’il est libellé dans les deux langues… Passons à présent à l’exposé :

 

« Le Conseil, délibérant sur plusieurs réclamations relatives à la pénurie des prêtres, de laquelle il résulte que le service du culte est négligé, que plusieurs paroisses ne sont point desservies, et que les administrés restent sans instruction et sont disposés aux murmures. »

René Paquet / L’Histoire de Metz pendant la Révolution

 

Quant aux considérants, considérons-les comme de vulgaires diatribes :

 

« Considérant que, quoique la religion n'ait pour but que de lier les hommes par 1’esprit de paix et de charité, ses ministres n'en ont fait que trop longtemps l’instrument de leurs passions et de leurs vengeances ;

Considérant que tout en se disant les missionnaires d'un Dieu de paix, ils ont, pendant des siècles entiers, couvert la terre de deuils et de ténèbres ;

Considérant que leur empire n'étant fondé que sur la crédulité et l’ignorance, ils ont dû nécessairement être ennemis d’une révolution qui, en les privant de jouissances usurpées si longtemps, tend à instruire les peuples, à les éclairer sur leurs droits et à les faire jouir des avantages inestimables de la liberté et de l’égalité ;

Considérant que, pour en arrêter les progrès, ils ont secoué partout le flambeau de la guerre civile ; qu'on en a vu, dans la Vendée, le crucifix d'une main, le poignard dans l'autre, séduire, égarer les citoyens, les armer contre leurs frères, leur prêcher le meurtre et le brigandage, diriger les rassemblements, marquer les victimes et faire de ce malheureux département le théâtre de la dévastation et de la guerre la plus affreuse ;

Considérant que si la tranquillité et l'ordre n'ont pas été troublés dans le département de la Moselle, on le doit peut-être à la sagesse et à la fermeté des administrations et à la présence  continuelle de  notre armée sur la frontière, puisque  dans plusieurs  districts des  prêtres réfractaires ont fait circuler  des écrits  incendiaires, ont  appelé des  citoyens  à la révolte et à l'insurrection et que des rassemblements ont été prêts à se former ;

Considérant que la plupart de ces êtres dangereux, n'ont prêté le serment de la liberté et de l’égalité que pour se soustraire à celui exigé par la Constitution civile du clergé, qu'ils continuent d'exercer une influence fatale et emploient l'art d'une suggestion captieuse et étudiée pour persuader aux âmes troublées et timorées que le culte a subi des chan­gements que le ciel réprouve ;

Considérant que dans les circonstances actuelles, tout citoyen qui n'est pas fortement prononcé en faveur de la révolution est un traître ; que dans un gouvernement répu­blicain tous doivent concourir à la prospérité publique par leurs travaux et leurs talents, que cependant il existe dans ce département une foule d'ecclésiastiques, prêtres ou non, pensionnés par la nation et qui contents de toucher leur traitement se refusent à exercer les fonctions importantes de l'apostolat, que dès qu'ils restent oisifs, ils sont à charge et même dangereux . »

René Paquet / L’Histoire de Metz pendant la Révolution

 

18 Octobre 1793 – Le Complément à la Loi des Suspects

 

Lors de l’arrestation de Jean François Jenot, ceux qui procédèrent à son arrestation ne respectèrent pas la procédure préconisée par cette loi :

 

« Un membre (Lecointre) présente quelques articles additionnels à la loi du 17 septembre, sur l'arrestation des gens suspects, qui ont été ainsi décrétés.

La Convention nationale, sur la proposition d'un membre, décrète ce qui suit :

Art. 1er Les comités de surveillance, dans toute l’éten­due de la République, seront tenus de remettre sur-le-champ au citoyen qu'ils feront mettre en état d'arrestation, copie du procès-verbal conte­nant les motifs pour lesquels il est arrêté. Il en sera fait également mention dans l'acte d'écrou, afin que le prévenu et sa famille puissent éclairer la religion du comité de sûreté générale, qui est autorisé à prononcer sur la validité ou invalidité de la détention.

Art. 2 Les comités de surveillance qui, dans les trois jours de l'arrestation d'un citoyen n'auraient pas envoyé au comité de sûreté générale de la Con­vention le procès-verbal et les motifs, seront mandés dans la personne de leur président, an comité de sûreté générale, pour y déduire les rai­sons de ce retard, et être, par le comité, statué suivant l'exigence du cas.

Art. 3 Lesdits comités de surveillance sont tenus, sous les mêmes peines, d'envoyer au comité de sûreté générale de la Convention, dans les trois jours qui suivront la publication du présent décret, les procès-verbaux et les motifs de la détention des citoyens arrêtés jusqu'à ce jour.»

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

21 Octobre 1793 – La Déportation des Prêtres dénoncés pour Incivisme

 

« La Convention nationale après avoir en­tendu le rapport de son comité de législation, décrète ce qui suit :

Art. ler Les prêtres sujets à la déportation pris les armes à la main, soit sur les frontières, soit en pays ennemi ; ceux qui auront été ou se trouveront saisis de congés ou de passeports délivrés par des chefs français émigrés , ou par des com­mandants des armées ennemies, ou par les chefs des rebelles, seront, dans les vingt-quatre heures, livrés à    l'exécuteur des jugements criminels, et mis à mort, après que fait aura été déclaré  constant

 par  une  commission militaire formée par les  officiers de l’état-major  de la division  dans  l'étendue de laquelle ils auront été arrêtés. (Décrets des 19 mars et 26 avril 1790.)

Art. 2 Ceux qui ont été on seront arrêtés sans armes dans les pays occupés par les troupes de la République, seront jugés, dans les mêmes formes et punis des mêmes peines, s'ils ont été précédem­ment dans les armées ennemies, ou dans les ras­semblements d'émigrés ou de révoltés.

Art. 3 La commission sera composée de cinq per­sonnes, prises dans les différents grades de la di­vision.

Art. 4 Le fait demeurera constant, soit par une dé­claration écrite, revêtue de deux signatures, ou d'une seule signature, confirmée par la dépo­sition d'un témoin, soit par la déposition orale et uniforme de deux témoins.

Art. 5 Ceux de ces ecclésiastiques qui rentreront, ceux qui sont rentrés sur le territoire de la Répu­blique seront envoyés à la maison de justice du tribunal criminel du département dans l'étendue duquel ils auront été ou seront arrêtés ; et après avoir subi interrogatoire, dont il sera tenu note, ils seront dans les vingt-quatre heures livrés à l'exécuteur des jugements criminels et mis à mort, après que les juges du tribunal auront déclaré que les détenus sont convaincus d'avoir été sujets à la déportation.

Art. 6 Les moyens de conviction contre les préve­nus, en cas de dénégation de leur part, résulte­ront de la déposition uniforme de deux témoins que les détenus étaient dans le cas de la déporta­tion.

Art. 7 Si les accusés demandent à justifier de l'ex­trait du procès-verbal contenant leur presta­tion de serment, et qu'ils n'en soient pas por­teurs, les juges pourront leur accorder un délai strictement nécessaire ou le leur refuser, suivant les circonstances ; si le délai est accordé, les juges seront tenus d'en rendre compte au mi­nistre de la justice, qui en instruira sur-le-champ le comité de sûreté générale de la Con­vention nationale.

Art. 8 Si les prévenus ne justifient de leur presta­tion de serment dans le délai accordé par le tri­bunal, ils seront livrés à l'exécution des juge­ments criminels. Les juges en instruiront pareillement le ministre de la justice, et celui-ci le comité de sûreté générale.

Art. 9 Dans le cas où ils produiraient le procès-verbal de leur serment de liberté et égalité, conformément au décret du 14 août 1792, l’accusateur public est autorisé à faire preuve, tant par pièces que par témoins, que les accusés ont ré­tracté leur serment, ou qu'ils ont été déportés pour cause d'incivisme, aux termes de l’article 2 du décret du 21 avril dernier ; et cette preuve acquise, ils seront mis à mort ; dans le cas contraire, ils seront mis en liberté.

Art. 10 Sont déclarés sujets à la déportation, jugés et punis comme tels, tous les ecclésiastiques séculiers ou réguliers, frères convers et lais qui n'ont pas prêté le serment de maintenir l'éga­lité et la liberté, ou qui, après l'avoir prêté, l'ont rétracté et ont persisté dans leur rétracta­tion ou qui l'ont prêté postérieurement au 23 mars dernier, ou enfin qui ont été dénoncés pour cause d'incivisme, lorsque la dénonciation aura été jugée valable par le département, con­formément à la loi du 21 avril, ci-devant citée. (Décret du 21 avril 1793.)

Art. 11 Sont exceptés les vieillards âgés de plus de 60 ans, les infirmes et caducs, lesquels seront renfermés à perpétuité dans une maison particulière du chef-lieu des départements. (Idem article 4)

Art. 12 Les ecclésiastiques qui ont prêté le serment de liberté et égalité dans le temps prescrit par le décret du 21 avril, et qui seront dénoncés pour cause d'incivisme, seront embarqués sans délai et transférés à la Guyane française. (Idem, ar­ticle 2.)

Art. 13 La dénonciation pour cause d'incivisme sera faite par 6 citoyens du canton, et jugée par le directoire de département, sur l'avis du district. (Idem, article 2)

Art. 14 Les  ecclésiastiques qui  n'ont point satisfait  à la loi du 21  avril dernier, ou qui ont rétracté leur serment, et qui, cachés en France, n'ont point été embarqués pour la Guyane française, seront  tenus  dans la  décade de la  publication  du  présent  décret, de se rendre  auprès  de  l’admi­nistration  de  leur  département  respectif,  qui  prendra les mesures pour leur arrestation, em­barquement et déportation.

Art. 15 Ce délai expiré, ceux qui seront trouvés sur le territoire de la République, seront conduits à la maison de justice du tribunal criminel de leur département, pour y être jugés conformément à l'article 5.

Art. 16 Les prêtres déportés volontairement et avec passeports, ainsi que ceux qui ont préféré la dé­portation à la réclusion, sont réputés émigrés.

Art. 17 Tout citoyen est tenu de dénoncer l’ecclé­siastique qu’il saura être dans le cas de la déportation, de l'arrêter ou faire arrêter et conduire devant l'officier de police le plus voisin ;  il recevra 100 livres de récompense.

Art. 18 Tout citoyen qui recèlerait un prêtre sujet à la déportation sera condamné à la même peine. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

24 Octobre 1793 – L’Arrêté du Département de la Moselle à l’égard des Juifs

 

Cet arrêté ordonnait des visites domiciliaires chez les juifs. Les représentants en mission prés l’armée de la Moselle écrivent au comité de salut public :

 

« Au quartier général de l'armée de la Moselle, à Saarbrük, 7e jour du 2e mois de l'an II - 28 octobre 1793.

Ehrmann et Richaud envoient un arrêté pris et exécuté par le département de la Moselle, relatif aux visites domiciliaires. Cette mesure, comme générale, eût été bonne et révolutionnaire ; mais, le département de la Moselle l'ayant dirigé contre une portion de citoyens et les ayant démarqués en corporation religieuse, ce mode nous a paru attentatoire aux principes de l'égalité ; ce qui nous a engagés à le sou­mettre à la sagesse de la Convention nationale. »

Recueil des actes du Comité de salut public

 

26 Octobre 1793 – Le Sursis à l’Élection des Municipalités

 

Nous sommes bel et bien dans une dictature : parti unique, aucune séparation des pouvoirs ainsi que sursis aux élections, fussent-elles municipales… Il y a toujours des circonstances…où…  bref ! l’éternel refrain pour se justifier :

 

« Barère. Nous approchons du terme où, sui­vant l'usage établi depuis le commencement de la révolution, les municipalités de la République doivent être renouvelées ; mais, attendu les cir­constances, attendu surtout la popularité de la grande majorité des municipalités, le comité, considérant l'influence immédiate et populaire de ces administrations, a cru utile et prudent de vous proposer de prolonger leur existence jusqu'à nouvel ordre, et de suspendre les élec­tions, sauf des municipalités, que les représen­tants du peuple jugeront nécessaire de rem­placer. Cette mesure est la plus révolutionnaire que vous puissiez prendre. (On applaudit.)

Cette proposition est adoptée :

La  Convention   nationale,  après  avoir  en­tendu  le  rapport  du  comité  de  Salut  public

 (Barère, rapporteur), décrète qu'il est sursis à l'élection ordinaire des municipalités, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par la Con­vention, à l'exception des municipalités que les représentants du peuple croiront nécessaire de renouveler en tout ou en partie. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

28 Octobre 1793 – La Nouvelle Organisation de l’École primaire. Interdiction de l’Enseignement aux Ecclésiastiques

 

Comme ces enragés se privent d’un vivier non négligeable, ce sont les enfants du peuple qui n’auront plus accès à l’instruction publique, pendant des années comme nous le verrons ci-après :

 

« Un rapporteur (Romme), au nom du comité d'instruction publique, fait adopter le décret sui­vant :

Du placement des premières écoles et de la première nomination des instituteurs et des institutrices.

Art. ler II est établi, par district, une Commission composée d'hommes éclairés et recommandables par leur patriotisme et leurs bonnes moeurs.

Art. 2 Cette Commission s'occupe : I° du placement des écoles dont l'arrondissement embrasse plu­sieurs communes ; elle se concerte, à cet effet, avec le directoire de district ; 2° de l'emplacement des maisons d'enseignement dans les communes qui doivent en avoir, en se conformant à l’ins­truction annexée à la minute du présent décret, et en se concertant avec les conseils généraux des communes ; 3° de l'examen des citoyens qui se présentent pour se dévouer à l'éducation nationale dans les premières écoles.

Art. 3 Chaque Commission est composée de 5 mem­bres, qui sont nommés comme il suit :

Art. 4 Chaque conseil général de commune envoie au directoire de son district, dans la décade courante, à compter de la réception du présent décret, une liste de 5 citoyens, après avoir consulté pour chacun d'eux le comité de surveillance du lieu, ou le plus voisin du lieu, s'il est encore en exercice pour attester leur patriotisme et leurs bonnes moeurs.

Art. 5 Au 2e décadi, après l'envoi du décret aux communes, le directoire de district nomme en séance publique, et à haute voix, les 5 membres de la Commission, qui ne peuvent être pris que dans la liste générale des présentations, et parmi ceux dont les bonnes moeurs et le patriotisme sont authentiquement reconnus, comme il est dit dans l'article précédent.

Art. 6 En cas d'égalité de voix entre deux citoyens, l'homme marié est préféré au célibataire, le père de famille à celui qui n'a pas d'enfants, l'homme âgé à celui qui l'est moins ; et dans le cas où il y aurait encore indécision, le sort décide.

Art. 7 Le procès-verbal de la nomination de la Commission est expédié à toutes les communes, pour être affiché.

Art. 8 La Commission se rassemble au chef-lieu du district : elle invite tous les citoyens qui veulent se consacrer à l’honorable fonction d’instituteurs dans les premières écoles, à se faire inscrire dans leurs municipalités respectives.

Art. 9 Ces listes d'inscription portent le nom, le pré­nom, l’âge et la profession de chacun : elles annoncent pareillement ceux qui sont mariés et ceux qui ne le sont pas.

Art. 10 Une copie certifiée de chaque liste d'inscription est envoyée à la Commission, après avoir été visée par le comité de surveillance du lieu ou le plus voisin, pour attester pareillement le patriotisme et les bonnes moeurs de ceux qui se sont inscrits.

Art. 11 Tout Français est admis à l'inscription dans tel département, dans telle commune qu'il lui plaît, en justifiant de sa bonne conduite et de son civisme.

Art. 12 Aucun ci-devant noble, aucun ecclésiastique et ministre d'un culte quelconque ne peut être membre de la Commission, ni être élu institu­teur national.

Art. 13 La Commission appelle les citoyens inscrits dans l'ordre de l’envoi des listes, et chacun est examiné suivant l'ordre de son inscription dans la commune.

Art. 14 La Commission examine publiquement les connaissances de l'individu, son aptitude à enseigner, ses moeurs et son patriotisme ; elle est dirigée, dans cet examen, par une instruction faite par le comité d'instruction publique, et approu­vée par la Convention nationale.

Art. 15 Après avoir terminé ces examens, la Commission proclame la liste de tous ceux qu'elle juge propres à remplir les fonctions d'institu­teur : cette liste forme la liste des éligibles ; elle est envoyée dans tous les arrondissements des écoles et affichée.

Art. 16 Au décadi qui suit immédiatement l'envoi de la liste, les pères de famille, les veuves, mères de famille, et les tuteurs se rassemblent pour nommer l'instituteur parmi les éligibles.

Art. 17 Le procès-verbal de l'élection est envoyé à la Commission, qui le fait passer à l'instituteur, pour lui servir de titre.

Art. 18 Ceux qui auraient été nommés dans plusieurs communes sont tenus d'opter, sans délai.

Art. 19 Les communes pour lesquelles l'option n'au­rait pas lieu recommencent l'élection.

Art. 20 La Commission envoie au département une copie certifiée de la liste des éligibles, afin que les districts dont la liste serait insuffisante puis­sent avoir recours à celles qui pourraient avoir un excédent.

Art. 21 Les dispositions précédentes s'étendent à la nomination des institutrices.

Art. 22 Les femmes ci-devant nobles, les ci-devant religieuses, chanoinesses, soeurs grises, ainsi que les maîtresses d'école qui auraient été nommées dans les anciennes écoles par des ecclésiastiques ou des ci-devant nobles, ne peuvent être nom­mées institutrices dans les écoles nationales.

Art. 23 En cas de vacance d'une place d'instituteur ou d'institutrice, sur la demande de la municipalité, le directoire de district convoque les pères de famille, leur envoie la liste des éligibles, en leur indiquant ceux qui sont déjà nommés. Les Pères de famille nomment, sur cette liste, à la place vacante.

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

Suite à ce décret, le contrat de Dominique Bouchy, notre régent d’école, n’est pas renouvelé. Se reporter au 2 février 1794.

 

Novembre 1793 – Le Déprêtrisement de nombreux Ecclésiastiques

 

Durant tout ce mois, des évêques, des vicaires généraux, des curés se destituent de leur fonction sacerdotale, certains renoncent à leurs émoluments, envoient leur lettre de démission à l’Assemblée nationale, avec ou sans commentaire. Je vous cite l’exemple du citoyen Parent :

 

« Je suis prêtre, je suis curé, c’est-à-dire charlatan. Jusqu’ici, charlatan de bonne foi, je n’ai trompé, que parce que moi-même j’avais été trompé ; maintenant que je suis décrassé, je vous avoue que je ne voudrais pas être charlatan de mauvaise foi ; cependant la misère pourrait m’y contraindre ; car je n’ai absolument que les 1 200 livres de ma cure pour vivre ; d’ailleurs je ne fais guère que ce qu’on m’a forcé d’apprendre, des oremus. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

Parent est-il sincère ou simulateur ? Dans mes recherches, j’ai découvert un ecclésiastique qui ne  s’était pas déprêtrisé mais « décurisé ». Quelque peu gêné, voire choqué par ce terme, je me suis ravisé. Et si ce curé se moquait des Jacobins ? Il ne renonce pas à son sacerdoce (tu es sacerdos in aeternum - ps 110), mais … à sa fonction de curé.

 

3 Novembre 1793 – L’Interdiction  aux Religieux ainsi qu’aux Religieuses d’habiter plus de deux dans la même Maison

 

Le Conseil général de la ville de Metz :

 

« Il est défendu à tous les ci-devant religieux et religieuses d'habiter plus de deux dans la même maison ; il l'est aussi à tous citoyens de les loger en plus grand nombre, le tout à peine d'être déclarés suspects et traités comme tels. L'évêque du département est invité à adresser au Conseil de la com­mune, dans le délai de (24) heures, l'état des ecclésiastiques domiciliés à Metz qui, au désir des arrêtés du département, lui ont demandé de l'emploi, avec l'indication du lieu où il les a placés et des fonctions qu'il leur a confiées. »

René Paquet / L’Histoire de Metz pendant la Révolution

 

4 NOVEMBRE 1793 – FAURE EN MISSION DANS LE DÉPARTEMENT DE LA MOSELLE

 

Il s’agit de Balthazar Faure, député à la Convention. Reportez-vous au 16 janvier 1794 et « savourez » la violente diatribe de ce terroriste (agent de la Terreur), qui se situe dans l’esprit de l’époque :

 

« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Salut public,

Décrète que le citoyen Faure, représentant du peuple envoyé dans le département de la Moselle pour la formation des corps de cavalerie, est investi des pouvoirs illimités attribués aux représentants du peuple près les armées ; il est chargé spécialement d’épurer les autorités constituées

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

Les Jacobins avaient les autorités messines dans le collimateur. Selon le Comité de salut public,  « Metz n’était pas à la hauteur de la Révolution ». Se reporter à la fin de ce mois.

 

13 Novembre 1793 – Les Autorités aptes à recevoir l’Abdication des Prêtres

 

« Sur la proposition d’un membre (Thuriot),

La Convention nationale décrète :

Art. 1er Toutes les autorités constituées sont autorisées à recevoir des ecclésiastiques et ministres de tout culte la déclaration qu ils abdiquent leur qualité.

Art. 2 Les listes certifiées de ces déclarations seront tous les quinze jours envoyées au comité d’instruction publique.»

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

14 Novembre 1793 – L’Or et de l’Argent inutiles pour les Objets du Culte

 

« Le conseil général du département de la Marne écrit qu’il a ordonné l’exécution, dans l’étendue de ce département, de l’arrêté du citoyen Foucher (Fouché), représentant du peuple près les départements du Centre et de l’Ouest, le 19 vendémiaire, relatif à l’exercice des cultes et à la  sépulture des citoyens.  Le même corps administratif envoie un arrêté qu’il a pris le 17 brumaire, par lequel considérant que la religion est le rapport immédiat  de  l’homme avec  l’Être suprême ; que le culte n’est que  l’exercice extérieur de ce rapport, et qu’il n’est pas de l’essence de la religion  que les objets  qui servent au culte soient  d’une  matière  plutôt  qu e d’une autre, et  que la  patrie a besoin, pour soutenir les droits du peuple, de toutes les matières d’or, d’argent et de cuivre que la crédulité de nos aïeux avait inutilement accumulées dans les temples, a arrêté que dans un mois les communes enverraient à leurs districts respectifs toutes ces matières et ustensiles qu’elles remplaceraient par des objets de verre ou de bois ; pour l’or et l’argent, être envoyés à la Monnaie, et le cuivre attendre la destination que le pouvoir exécutif lui assignera.

Les mêmes administrateurs applaudissent aux mesures énergiques prises par la Convention, demandent qu’elle chasse de son sein tous les vils suppôts de la faction girondine qui ont voté pour l’appel au peuple on pour la détention du tyran. Ils demandent aussi qu’il n’y ait plus de culte salarié par le Trésor public.»

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

15 Novembre 1793 – L’Affectation des Presbytères désaffectés au Soulagement de        l’Humanité souffrante ainsi qu’à l’Instruction publique

                                             

« Cette proposition, appuyée de faits par Richard, est décrétée :

 La Convention nationale décrète (sur la motion de Cambon) que les presbytères et paroisses, situés dans les communes qui auront renoncé au culte public, ou leurs produits, seront destinés pour subvenir au soulagement de l’humanité souffrante et de l’instruction publique.

Charge les comités de finances, d’instruction et de secours de se réunir, pour présenter un projet de loi qui règle l’exécution du présent décret. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

16 Novembre 1793 – Le Déprêtrisement du Secrétaire général de l’Évêché,

futur Propriétaire du Domaine de Préville

 

Au cours d’un séance publique du Conseil du département de la Moselle, en présence de Monseigneur Nicolas Francin, évêque constitutionnel de Metz, Etienne Bauzin, ancien chanoine de Saint-Sauveur, vicaire épiscopal, secrétaire général de l’évêché, futur propriétaire du domaine de Préville à Moulins, dépose ses lettres de prêtrise sur le bureau du Conseil. Avant ce geste qu’il veut solennel, il apostasie sa foi, dans un discours d’une telle intensité, que les membres du Conseil décident, sur le champ, de l’imprimer, de l’expédier dans chaque commune du département et de l’envoyer à la Convention nationale ainsi qu’au Pouvoir exécutif :

 

« Le citoyen Bauzin, vicaire épiscopal, s’est rendu à la séance et a dit « Citoyens administrateurs... Depuis 1789, j’ai concouru de tout mon pouvoir à l’affermissement de la liberté ; dans les emplois civils auxquels j’ai été appelé par la voix du peuple, j’ai taché de me rendre digne de la confiance qu’il m’avait montrée. J’aurais désiré n’avoir à remplir que les devoirs de citoyen, mais des décrets avaient établi une différence entre les prêtres d’un même culte. Il existait deux sectes ; il fallait appartenir à celle que la loi approuvait ; il n’était pas encore permis de leur rendre justice en les méprisant l’une et l’autre. Un administrateur ici présent sait que j’avais voulu secouer un joug qui me pesait : lui-même m’a donné le conseil d’attendre des circonstances plus favorables, de crainte de me rendre  suspect.

Je puis enfin, sans faire soupçonner mon patriotisme, remplir le vœu le plus cher à mon cœur  celui  de  me  dévouer entièrement  au bien  de  ma  patrie. Je  déclare  donc  que  je

 renonce absolument aux fonctions sacerdotales ; la superstition qui en fait un caractère qui ne peut s’effacer dès qu’il est imprimé sur la tête d’un individu, est une violation manifeste des droits de l’homme ; c’est une injustice envers la société ; ce prétendu caractère tend à conserver irrévocablement dans un poste un homme qui en est indigne ou dont les talents peuvent être employés plus utilement pour le bien général.

Je dépose mes lettres d’ordres : je reprends, à leur place, les commissions dont vous avez bien voulu ordonner l’enregistrement.

 Les patriotes attendent sans doute de moi une nouvelle preuve que je suis digne de leur appartenir, on est porté à douter du patriotisme d’un prêtre qui refuserait de se choisir une compagne. Citoyens, le mariage est la sauvegarde des moeurs : il est un devoir. J’aurais donné l’exemple, si jusqu’à présent, il m’eût été possible de contracter l’engagement que je désire. Une citoyenne distinguée par un patriotisme prononcé dès le commencement de la Révolution m’a promis sa main, mais elle ne peut remplir sa promesse qu’après l’expiration du délai exigé entre la rupture d’un engagement et un nouveau lien. Je dépose sur votre bureau, la présente déclaration : je demande qu’il soit fait mention de tout son contenu dans vos registres.»

René Paquet / L’Histoire de Metz pendant la Révolution

 

Ce même jour, à la même séance, le citoyen Delattre, vicaire épiscopal, se démet de ses fonctions sacerdotales. Un extrait de ses déclarations vous éclairera sur ses sentiments :

 

« Rompant avec le vœu téméraire et scandaleux de n’être pas homme, j’ai pris une épouse et formé, le premier de ce département, des nœuds avoués par la nature et les bonnes mœurs.»

René Paquet / L’Histoire de Metz pendant la Révolution

 

19 Novembre 1793 – Les Prêtres mariés non soumis à la déportation

 

« Un membre, au nom du comité de législation, propose et fait rendre les décrets suivants :

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation (Bezard, rapporteur), décrète ce qui suit :

Art. 1er Les ministres du culte catholique qui se trouvent actuellement mariés, ceux qui, antérieurement au présent décret, auront réglé les conditions de leur mariage par acte authentique, ou seront en état de justifier de la publication de leurs bans, ne sont point sujets à la déportation ni à la réclusion, quoiqu’ils  n’aient pas prêté le serment prescrit par les lois des 24 juillet et 27 novembre 1790.

Art. 2 Néanmoins, en cas d’incivisme, ils peuvent être dénoncés et punis conformément à la loi du 30 vendémiaire dernier.

Art. 3 La dénonciation ne pourra être jugée valable, si elle n’est faite par trois citoyens d’un civisme reconnu par la Société populaire ou les autorités constituées. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

19 Novembre 1793 – Jean François Jenot démissionne de la Cure de Moulins

 

«Je soussigné préviens la municipalité de ce lieu que je me suis transporté ce jourd’huy au département  de  la  Moselle,  et que là jay donné ma  démission de la cure de Moulins ; de laquelle jay demandé acte, qui m’a été octroyé.

Moulins ce 9e jour de la 3e décade du mois brumaire l’an 2e de la république françoise. »

Et de signer :

 

         « Jenot citoyen de Moulins »   

 

Archives municipales de Moulins

 

21 Novembre 1793 – L’Autel de la Patrie

 

« Le représentant du peuple Boisset, qui vient de parcourir les quatre départements de la Drôme, de l’Hérault, de l’Ardèche et du Gard, assure que le Midi est à la patrie, et n’espère qu’en la Montagne. Les catholiques et les protestants, si longtemps ennemis, unis aujourd’hui pour la même cause, ne connaissent plus d’autre culte que celui de la liberté ; et dans peu l’on verra dans chaque village l’autel de la patrie remplacer ceux du christianisme. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

22 Novembre 1793 – Le Traitement des Prêtres

 

« Annexe N°1

A la séance de la Convention nationale du 2 frimaire an II. (Vendredi 22  novembre 1793)

Comptes rendus, par divers journaux, de la discussion à laquelle donna lieu le projet de décret présenté par Forestier, au nom des comités des finances et de législation, sur le traitement des ecclésiastiques qui abdiqueront leurs fonctions.

Compte-rendu du journal des Débats et des décrets.

Forestier présente, au nom de deux comités réunis, un projet de loi tendant à accorder une pension aux prêtres qui abjurent, et à ceux qui du consentement de leur commune conserveraient leur caractère et leurs fonctions.

La pension est plus ou moins forte, selon que l’âge est plus ou moins avancé.

Le  projet  accorde  un  secours  plus  fort  à  ceux  qui  restent  prêtre   et  en  exercent 1es    fonctions, qu’aux autres.

Un membre demande l’ordre du jour sur ce projet. La nation,  dit-il, doit des  secours aux infirmes du travail, aux indigents, et rien à ceux qui  peuvent se servir d’une éducation plus soignée pour gagner leur vie. Le plan que l’on vous propose est d’ailleurs d’une grande inconséquence : on veut que vous salariez les évêques, les curés, les prêtres, lorsque chaque jour vous consacrez, par vos applaudissements, que les prêtres sont le plus cruel fléau des nations, et que c’est par la main des prêtres que le sang humain a arrosé la terre. Je demande l’ordre du jour. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

24 Novembre 1793 – La Dépouille des Églises

 

« Un membre (Voulland, rapporteur) propose an nom des comités réunis de législation, de sûreté générale, des finances et des inspecteurs de la salle le projet de décret suivant :

La Convention nationale après avoir entendu le rapport des commissaires de ses comités de législation, de sûreté générale, des finances et d’inspection de la salle, réunis, décrète que les dons patriotiques provenant de la dépouille des églises seront provisoirement déposée chez le receveur des dons patriotiques près l’Administration des domaines nationaux, lequel sera tenu d’en donner un reçu aux commissaires des communes.

L’Assemblée adopte ce projet de décret. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

28 Novembre 1793 – La Dépouille des Églises (suite)

 

« La Convention nationale décrète (sur le rapport de Besson) :

Art. 1er Les dons patriotiques provenant de la dépouille des églises qui, en exécution du décret du 5 frimaire, ont été provisoirement déposés chez le receveur près l’Administration des domaines nationaux, seront réunis, avec ceux qui seront apportés par la suite, dans l’emplacement ci-devant destiné au tirage de la loterie ; et, en cas d’insuffisance, dans tel local que l’administrateur des domaines nationaux est autorisé à choisir.

Art. 2  Il sera nommé provisoirement, par les comités des finances et d’aliénation réunis, un garde-magasin général, responsable et comptable, qui sera chargé de recevoir lesdits dépôts, de les vérifier, faire récoler et enregistrer les inventaires, et d’en délivrer récépissé aux députés des communes on autres personnes qui feront lesdits dépôts.

Art. 3 Le garde-magasin établira la quantité de préposés nécessaires à ce travail, et remettra l’aperçu des dépenses nécessitées par l’établissement provisoire à l’administrateur des domaines nationaux, qui le transmettra au comité des finances, avec ses observations.»

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

30 Novembre 1793 – Metz doit être surveillée révolutionnairement

 

Mallarmé, représentant en mission, expédie cette lettre de Pont-à-Mousson au Comité de salut public :

 

« Il est une chose qu’il ne faut pas se dissimuler, c’est que Metz, malgré que ses habitants se soient parfaitement montrés, dans la dernière crise que nous avons éprouvée, par des dons considérables et des secours en hommes, Metz, dis-je, n’est pas à la hauteur de la  Révolution ; le nombre des patriotes, des républicains prononcés est bien petit. C’est une ville importante qui a besoin d’être surveillée révolutionnairement ; elle peut être rangée dans la classe des grandes villes frontières, où il y avait des parlements et des privilégiés sans  nombre. Vous n’apprendrez  pas  sans surprise  que le nombre  des sociétaires ne se  porte pas  seulement à deux cents, et j’ai  remarqué dans cette ville que le culte catholique, ou peut-être le fanatisme sacerdotal, avait encore beaucoup de sectateurs et que ce serait pas chose aisée de le déraciner promptement. Ce qui ne m’a pas moins fait de peine, c’est de voir que, contrairement à la loi, la garde nationale avait conservé des distinctions, qu’il existait encore des compagnies de grenadiers qui se pavanaient avec des épaulettes rouges. Ce qui s’est passé à Strasbourg doit bien déterminer à la surveillance la plus active, la plus suivie. »

Recueil des actes du Comité de salut public

 

4 Décembre 1793 – Le Décret sur l’Organisation du Gouvernement révolutionnaire

 

Un grand pas de plus dans les pouvoirs dictatoriaux. Désormais, dans chaque commune,  un agent national de tendance jacobine - l’œil de Moscou, dirait-on aujourd’hui - dirige la commune. L’agent national de la commune de Moulins préside « l'assemblée municipale qui a été convoquée légalement » - celle du 26 décembre prochain.  Référons-nous au dictionnaire de la Révolution :

 

« Les agents nationaux sont créés par le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) pour représenter le gouver­nement auprès des administrations des districts et des communes. Les procureurs-syndics de districts et les procureurs des communes sont, sauf incompatibilité politique, dé­signés comme agents nationaux. Ils ont une redoutable puissance, exerçant leur contrôle aussi bien sur les autorités constituées que sur les particuliers, et leur domaine d'intervention est extrêmement vaste puisqu'ils ont pour tâche la surveillance de l'application des lois et des décisions de la Conven­tion et de ses comités. Purgés de leurs éléments terroristes après le 9 thermidor, les agents nationaux sont supprimés le 28 germinal an III (17 avril 1795) »

 

Ce décret comprend quelque 79 articles, répartis en 5 sections. Je ne vous extrais que les articles ayant trait aux agents nationaux des communes. Ces articles se trouvent dans la  Section II, intitulée Exécution des lois :

 

« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Salut public (Billaud-Varenne, rapporteur), décrète :

Art. 8 L’application des lois révolutionnaires et des mesures de sûreté générale et de salut public est confiée aux municipalités et aux comités de surveillance ou révolutionnaires, à la charge pareillement de rendre compte, tous les dix jours, de l’exécution de ces lois au district de leur arrondissement comme chargé de leur surveillance immédiate.

Art. 13 Toutes les autorités constituées seront sédentaires et ne pourront délibérer que dans Ie lieu ordinaire de leurs séances, hors les cas de force majeure, et à l’exception seulement des juges de paix et de leurs assesseurs, et des tribunaux criminels des départements, conformément aux lois qui consacrent leur ambulance.

Art. 14 A la place des procureurs syndics de district, des procureurs de commune et de leurs substituts qui sont supprimés par ce décret, il y aura des agents nationaux spécialement chargés de requérir et de poursuivre l’exécution des lois, ainsi que de dénoncer les négligences apportées  dans cette exécution, et les infractions qui pourrait se commettre. Ces agents nationaux sont autorisés à se déplacer et à parcourir l’arrondissement  de  leur  territoire, pour  surveiller et s’assurer plus positivement que les lois sont exactement exécutées.

Art. 15 Les fonctions des agents nationaux seront exercées par les citoyens qui occupent maintenant  les places  de  procureurs  syndics  de district, de  procureurs des  communes et de leurs substituts. A l’exception de ceux qui sont dans le cas d’être destitués.

Art. 17 Les agents nationaux attachés aux communes sont tenus de rendre le même compte au district de leur arrondissement, et les présidents des comités de surveillance et révolutionnaires entretiendront la même correspondance, tant avec 1e comité de sûreté générale, qu’avec le district chargé de les surveiller… »

 

8 Décembre 1793 – Le Décret sur la Liberté des Cultes

 

Décret, digne d’une république bananière ou d’une république soviétique :

 

« La Convention nationale, considérant ce qu’exigent d’elle les principes qu’elle a proclamés au nom du peuple français, et le maintien de la tranquillité publique, décrète :

Art. 1er Toutes violences et mesures contraires à la liberté des cultes sont défendues.

Art. 2 La surveillance des autorités constituées, et l’action de la force publique, se renfermeront à cet égard, chacune pour ce qui les concerne, dans les mesures de police et de sûreté publique. »

 

19 ou 20 Décembre 1793 – Les Moulinois refusent la Démission de leur Curé

 

Le Conseil général de la commune de Moulins se réunit le 29 ou le 30 frimaire de l'an II (19 ou 20 décembre 1793), soit un mois après le déprêtrisement de l'abbé Jean François Jenot. Au cours de cette séance, il constate « la volonté générale des habitants et habitantes de continuer à vivre et mourir dans la religion catholique. » Deux membres du Conseil se rendent « à l'instant au domicile du citoyen Jenot ci-devant curé » et lui demandent « de reprendre ses fonctions de curé ».

Les citoyens de Moulins n'exigent, en cette circonstance, que l'application pure et simple des « Droits de l'Homme et du Citoyen » ainsi que celle de la loi du 18 frimaire an II (8 décembre 1793) sur la « Liberté des cultes ». Mais le district de Metz ne l'entend pas de cette oreille. Nous sommes, ne l'oublions pas, en pleine Terreur, et la déchristianisation bat son plein.

Le district de Metz, mécontent de cette effervescence et pour y mettre un terme, convoque-t-il la municipalité au chef-lieu de district ou exige-t-il la remise du plumitif des délibérations ? Nous n'en savons rien... Toujours est-il que le secrétaire du district, Gobert, a « vu, trouvé raié et batonné a la séance du Conseil de district de Metz du 4 nivôse de l'an second de la république une et indivisible » les deux pages compromettantes.

En cette veille de Noël, le 4 nivôse correspond, en effet, au 24 décembre 1793, les membres du Conseil du district de Metz discutent du cas du citoyen Jenot, ci-devant curé de Moulins. Ne lui connaissant pas de compagne, n’ayant pas publié ses bans de mariage, son déprêtrisement est-il sincère ? En outre, n'orchestre-t-il pas, en sous-main, toute cette effervescence, nuisible a la cause révolutionnaire, à l’ordre nouveau ?

Ci-dessous, les deux pages du plumitif « vu, trouvé raié et batonné… ».

La seconde page comprend un encadré ; la seule partie du document que j’ai réussi à déchiffrer :

 

Encadré déchiffré / Archives municipales de Moulins

 

 

Texte de l’encadré, déchiffré :

 

« ... Sur quoi il a été délibéré que deux membres du conseil iroient à l'instant au domicile du citoyen Jenot ci-devant curé de ce lieu pour lui faire connaître la volonté générale de tous les habitants et habitantes de continuer à vivre et à mourir dans la religion catholique ( ??? )  par conséquence de reprendre ses fonctions de curé… »

 

Archives municipales de Moulins

 

Archives municipales de Moulins

 

25 Décembre 1793 – L'arrestation des « Citoyens Jenot ci devant Curé de ce Lieu et son Frère ci devant Commissaire du Traître Capet »

 

« Le 4 nivôse an II (24 décembre 1793), le curé de Moulins fut arrêté pour incivisme, refus de loger des défendeurs de la patrie du bataillon du Loiret ». Cette assertion de l'abbé Jean Eich, dans son ouvrage « Les Prêtres mosellans pendant la Révolution », appelle un commentaire, voire une rectification. Et les extraits ci-dessous du plumitif des délibérations du Conseil Général de la commune de Moulins, nous y aideront.

L'arrestation de Jean-François Jenot a lieu le 5 nivôse de l'an II, comme le précise la note  marginale du document ci-après :

 

« il a été arrêté le 5 nivôse » / Archives municipales de Moulins

 

C'est-à-dire qu'elle a lieu le jour de Noël de l'année 1793. Le 4 nivôse, il y avait bien un mandat d'arrêt contre un citoyen Jenot, mais contre Nicolas-Joseph Jenot, frère du curé de Moulins.

 

« ... arrêté pour incivisme ... ? » 

 

Les personnes, chargées de son arrestation, le conduisent à la maison d'arrêt de Saint-Vincent de Metz. Le registre d'écrou de cette maison d'arrêt comprend plusieurs colonnes, dont :

 

Ø date d'entrée

Ø autorité

Ø motif.

 

Or, ces trois colonnes, concernant Jean-François Jenot, sont vierges. Les responsables de la prison ignoraient la date de son incarcération, l'autorité qui en avait décidé et le motif  :

 

Ø la date d'arrestation, nous la connaissons, le 5 nivôse de l'an II

Ø l'autorité qui décide son arrestation, nous la connaissons également : le sort de Jean-François  Jenot, comme nous l'avons vu précédemment, se décide au cours de la séance du 4 nivôse du district de Metz. Responsables : les jacobins du district de Metz

Ø le motif : « pour cause de suspection ». (voir 26 décembre)

 

René Paquet / L’Histoire de Metz pendant la Révolution

 

26 Décembre 1793 – La Convocation de l’Assemblée municipale

 

A « l'assemblée municipale qui a été convoquée légalement », pour discuter, en ce jour de la Saint-Étienne, de l'arrestation du curé de Moulins, ne « se sont trouvés » que « les citoyens Maire et l'agent national au greffe d'icelles ». Aucun autre membre de la municipalité, hormis le greffier, n'assiste à la réunion ; preuve du désaccord entre les habitants de Moulins et les Jacobins du district de Metz.

Les deux frères tombent sous le coup de la « Loi des suspects » du 17 septembre 1793 ainsi que le précise le greffier : « ... en vertu de la loi du 12 août et 17 septembre 1793 (vieux stile)... » Nicolas-Joseph, en tant que « commissaire  du  traite  Capet » pouvait avoir  eu dans  le passé  une « attitude ou un rôle public, une classe sociale, considérés comme défavorables au régime nouveau ». Type même du suspect. Depuis le 26 août 1793, il réside au presbytère, chez son frère, le curé patriote, mais ne se présente à la mairie de sa nouvelle résidence que le 6 octobre ... Pourquoi ce retard ?

Jean-François, homme charitable, accueille son frère, suspect. Le voilà suspect, à son tour, de par « ses relations de famille »... Suspect de par son déprêtrisement, non accompagné de la publication de ses bans de son mariage... Suspect de par l'effervescence de ses ouailles qui lui demandent de revenir sur sa démission...

 

Archives municipales de Moulins

 

16 Janvier 1794 – L’Arrêté du représentant du Peuple, Balthazar Faure, fait à Sarrelibre (Sarrelouis)

 

Cette violente diatribe contre les prêtres reflète, on ne peut mieux, l'esprit de l'époque. Nous vous en donnons, ci-après, la quintessence :

 

« Deux espèces de tyrans, les rois et les prêtres, se prêtaient mutuellement des armes pour asservir le genre humain. Le peuple français a courageusement combattu et à  jamais détruit le monstre de la royauté ; mais la statue de la liberté ne recevra le dernier trait de sa main que le jour où il aura proscrit le despotisme sacerdotal ...

Le fanatisme est le produit du délire de l'âme ; c'est une espèce de fièvre que les prêtres ont à commande et dont ils font l'instrument de leur pouvoir...

La liberté des cultes ! Citoyens, qui la respecte moins que les prêtres qui l'invoquent ? Est-ce en disant aux autres qu'il faut suivre et adopter le leur (autel du mensonge) ? Est-il rien de plus tyrannique que de vouloir violer l'opinion et la conscience d'autrui ? ...

Citoyens, que les temples de l'erreur deviennent ceux de la raison et de la vérité ! Que le peuple se rassemble chaque jour de décade, pour y entendre la lecture des nouvelles publiques et des lois, en un mot, pour y apprendre ses devoirs et s'instruire dans la pratique des vertus républicaines... »

 

Après ce préambule, viennent les quinze articles de l'arrêté. De la même veine que l'introduction, nous ne vous en donnons que cinq. L'article VI mérite une attention particulière véritable chantage à la déportation à l'égard des prêtres constitutionnels qui ne se déprêtrisaient pas :

 

« Article I - Tous signes qui rappellent un culte religieux, comme croix, images ou statues et qui ne seraient pas encore enlevés des lieux où ils sont publiquement en évidence, disparaîtront dans trois jours, à compter de la publication du présent arrêté, de telle sorte qu'il ne reste aucune trace de leur existence.

Article VI - Dans les communes où l'enlèvement des signes de superstition aura occasionné quelque résistance ou causé quelque trouble, tout prêtre résidant dans cette commune, qui aura conservé le caractère sacerdotal, sera saisi, mis en état d'arrestation et déporté, quand même il ne serait pas justifié qu'il a pris ouvertement part au mouvement qui aura eu lieu.

Article VIII - Les prêtres en faveur desquels il y aura des pétitions présentées par les communes de leur résidence, sous quelque prétexte que ce soit, seront, par là, déclarés suspects, et mis en état d'arrestation jusqu'à la paix.

Article XI - Les Sociétés populaires sont invitées à vomir de leur sein les prêtres qui n'ont pas abjuré leurs fonctions dans les formes prescrites par la loi.

Article XII - Les Conseils généraux des communes sont provisoirement autorisés à célébrer, chaque jour de décade, la fête nationale dans les églises ci-devant dites paroisses et y faire lire les lois aux citoyens assemblés, conformément à l'article dix, première section  du  décret  du 14  frimaire  dernier  (voir ci-dessous). Ils  placeront la statue de la  liberté sur l'autel de la patrie, qu'ils y feront ériger. »

René Paquet / L’Histoire de Metz pendant la Révolution

 

Loi du 14 frimaire :

 

« Art. 10  Indépendamment de cette proclamation dans chaque commune de la République, les lois seront lues aux citoyens dans un lieu public, chaque décadi, soit par le maire, soit par un officier municipal, soit par les présidents de sections. »

 

Il s’agit du décret sur l’organisation du gouvernement révolutionnaire du 4 décembre 1793, déjà cité. Les citoyens devaient assister – je le présume – à cette messe républicaine et décadaire. Sinon, ils tombaient sous la loi du 17 septembre 1793 (vieux style) : l’agent national, ce « délateur national » les considérait comme suspects, en vertu de l’article 2 :

 

« Art. 2 Sont réputés gens suspects : 1° ceux qui, soit  par leur conduite (par leur mauvaise conduite…, dans ce cas précis,), soit par leurs relations, soit par leurs propos ou leurs écrits, s’annoncent comme partisans de la tyrannie et ennemis de la liberté ; »

 

27 janvier 1794 – La Suppression de tous les Signes de la Religion catholique

 

La municipalité de Moulins reçoit l’arrêté du représentant du peuple, Balthazar Faure, le 26 janvier, soit 10 jours après sa promulgation. Dès le lendemain, elle le met en application.

Conformément à l'article premier de l'arrêté, la municipalité de Moulins établit une convention avec le « citoyen Noël Antoine Amard, maçon en ce lieu » en vue de « descendre la croix du haut de la flèche » et de démonter « la carcasse du confessionnal » ainsi que « la chaire à prêcher » :

 

Archives municipales de Moulins

 

2 Février 1794 – La Suppression du Culte catholique

 

La première mention de la suppression du culte catholique à Moulins n’apparaît que le 2 février 1794, dans les archives municipales. Je pense qu’il a été supprimé à la fin de l’année 1793. Quelles peuvent être les conséquences de cette suppression pour certaines personnes ? Prenons l’exemple de Dominique Bouchy, l’ancien régent d’école. Comme « le culte catholique venoit d’être supprimé », il perdit sa place  de  chantre  et  de  marguillier, la  rétribution  que lui procurait  le port d’eau bénite, dans tous les foyers, le dimanche après la grand’messe.  En outre, le 25 décembre 1793,  son contrat de régent d’école, d’une durée de trois années, prenait fin, à cette date, et la nouvelle organisation de l’école primaire, décret du 28 octobre 1793, ne lui permettait pas de postuler une place d’instituteur national : sous l’ancien régime, ne l’oublions pas, le régent d’école était le deuxième personnage de la paroisse. Pour couronner le tout, le 31 janvier 1794, il perdait son statut de greffier de la municipalité. Le 2 février 1794, « ledit citoyen agent » demande à son conseil qu’on « lui accorde un fixe proportionné à la nécessité de pouvoir substanter lui et sa famille … » :

 

Archives municipales de Moulins

 

 

 

La Distribution d’Eau bénite

Archives municipales de Moulins

 

8 Février 1794 – La Première adjudication « des Signes qui rappellent un Culte religieux »

 

La vente à l'encan des « signes » ne semble pas soulever l'enthousiasme de la population. Aucun adjudicataire ne se présente. Aussi, la municipalité décide-t-elle, après une heure de vaine attente, de reporter l'adjudication au décadi suivant :

Archives municipales de Moulins

 

18 Février 1794 – La Seconde Adjudication des « Signes qui rappellent un Culte religieux »

 

Annoncée « au son de la caisse » (tambour), la vente des pierres des deux calvaires a lieu sur la place du chêne. L'adjudicataire  devra  « payer comptant  le s prix de son  adjudication entre  les  mains du trésorier de notre commune, et à transporter à ses frais lesdits débris après les avoir démolis, immédiatement ».

Mises à prix cinq livres, les pierres sont adjugées à Barthélemy Inguel pour la « somme de douze livres ».

La vente des objets du culte se déroule ensuite dans la « ci-devant église ».

Joseph Bervillé acquiert « la chaire pastorale, le pulpitre (sic) » pour « la somme de dix-sept livres dix sols », après une mise à l'encan de six livres.

Les pierres d'autel reviennent à Noël Antoine Amard, le maçon. Ce dernier règle la somme de six livres au trésorier, soit une livre de plus qu'au départ de la surenchère :

 

Première partie du document / Archives municipales de Moulins

 

Seconde partie du document / Archives municipales de Moulins

 

26 mars 1794 – L'arrêté du Représentant du Peuple, Mallarmé, fait à Thionville

 

Comme celui de Balthazar Faure, l'arrêté se compose d'un préambule, nouvelle diatribe contre tous les prêtres, de six articles, et débute ainsi :

 

« L'audace et le crime heureux créèrent les rois ; la paresse et l'hypocrisie firent les prê-tres ; ils se sont longtemps dits les ministres de la divinité ; ils n'étaient réellement que les enfants de l'enfer ; c'est-à-dire de tous les forfaits réunis... »

  En parlant des prélats et des chanoines :

 

« L'un, avide bénéficier, entassait sur sa tête criminelle les abbayes, les évêchés, les canonicats ; l'autre, chanoine indolent, nourrissait dans l'oisiveté sa vaste corpulence...

 …

Le fanatisme constitutionnel succède à l'audacieuse superstition. Les prêtres, qui par intérêt,  avaient   prêté   le   serment   de   citoyen   en tirèrent  le  droit de   persécuter  les

 

 imbéciles qui avaient refusé. Ceux-ci soutirent leurs stupidité avec tout l'acharnement que donne la bêtise ; on se divisa, des bataillons de despotes se firent une guerre cruelle pour ou contre tel curé ; de là le premier germe de la Vendée !

Sortez des tombeaux, martyrs et victimes de la superstition ; levez-vous contre vos bourreaux, je vous évoque... ! Des millions de voix s'écrient, qu'ils soient punis...

La France subit maintenant le scrutin épuratoire ; que cette écume sorte et qu'elle aille transporter le crime ailleurs que sur le sol de la liberté et des vertus ! »

René Paquet / L’Histoire de Metz pendant la Révolution

 

 

7 mai 1794 – Les Idées religieuses du Citoyen Maximilien de Robespierre

 

Homme religieux mais ennemi des prêtres, l'Incorruptible avait horreur de l'athéisme, incompatible avec le régime républicain. Déiste convaincu, la raison, selon lui, pouvait conclure à l'existence de Dieu par l'étude de la nature, sans le concours d'une révélation quelconque, mais elle ne pouvait, par contre, que s'anéantir devant le mystère : l'homme, en conséquence, ne devait pas la considérer comme une déesse. Il remplaça le terme Dieu, trop suspect, à ses yeux, d'injustice sociale sous l'ancien régime, par le terme Être suprême qui créa les hommes intègres, libres, égaux. Débarrassé des athées, des fripons, ces ennemis de la République, Maximilien de Robespierre développa, à la Convention, ses idées morales et religieuses, indispensables dans un état républicain, institua une religion nouvelle, celle de l'Être suprême, et fixa la première fête de son culte au 20 prairial suivant. Le jour même de la présentation de son rapport, le 18 floréal, la convention adopta le décret sur l'institution du nouveau dogme :

 

« Le fondement unique de la société c'est la morale. Le peuple français reconnaît l'existence de l'Être suprême et l'immortalité de l'âme. Il sera institué des fêtes pour appeler l'homme à la poésie de la divinité et de la dignité suprême. »

 

8 juin 1794 – La Fête de l'Être suprême

 

Ce deuxième décadi de prairial tombait non seulement un dimanche, mais un jour de fête de lère classe avec octave privilégiée. L'Église catholique fêtait, en effet, ce jour-là, comme toutes les années, l'anniversaire de sa fondation, le jour de la Pentecôte.

L'Incorruptible voyait, dans la concordance des deux dates, un signe de l'Être suprême : la nouvelle et véritable Église naissait sur les cendres de l'ancienne et apportait au genre humain, en plus de l'immortalité de l'âme inhérente à sa nature, le bonheur sur terre. Désormais, les Républicains célébreraient, aux jours de décadi, des fêtes en l'honneur de l'Être suprême, de la Nature, du Genre humain, du Peuple français, etc. Soit, dans l'année, une quarantaine de fêtes, dédiées à une abstraction conforme à l'ordre républicain.

Si cette fête marque l’apogée et le triomphe de Robespierre, comme certains auteurs l’affirment, elle accéléra sa chute. Au retour de cette fête, des conventionnels murmurèrent, mais, ce jour-là, la vérité sortit de la bouche d’un sans-culotte :

 

« Le bougre ! Il n’est pas content d’être maître ! Il lui faut encore être Dieu ! »

 

Et quelque 50 jours plus tard, la tête du dieu tomba…

 

12 juin 1794 – Le « Temple consacré a l'Être suprême »

 

Quatre jours après la fête de l'Être Suprême (20 prairial an II), la « ci-devant église » de notre commune a changé de dénomination et se dénomme, à présent, comme ci-après, « L’an 2e démocratique le vingt quatre prairial dans  le Temple consacré à l'Etre Suprême… » :

 

Archives municipales de Moulins

 

28 Juillet 1794 – Robespierre est envoyé à l’Échafaud

 

« La chute de Robespierre met fin à sa tentative de créer un culte officiel, mais nullement à la politique de déchristianisation. Les persécutions continuent : sept prêtres sont guillotinés à Paris dans les semaines qui suivent. Peu d’ecclésiastiques sont libérés… »

Jean Tulard / Les Thermidoriens

 

J’interromps provisoirement mon récit par ordre chronologique pour vous exposer un avatar de la Terreur, assez mal connu, dont Jean François Jenot, notre desservant, fut l’une des victimes :

 

La Guillotine sèche.