15 Juillet 1801 – La signature du Concordat
Onze mois de tractations secrètes ou publiques et de négociations laborieuses aboutirent, après deux ruptures et un ultimatum, à la signature du concordat entre le Cardinal Ercole Consalvi et Joseph Bonaparte, dans la nuit du 14 au 15 juillet 1801, vers deux heures du matin.
La nouvelle convention mettait un terme au schisme qui régnait dans l'Église de France, depuis l'application du décret du 12 juillet 1790. Par ses silences, lourds de signification, elle supprimait l'Église constitutionnelle, ne restaurait pas les ordres religieux, instituait la liberté des cultes et reconnaissait la laïcité de l'État français. L'inanité de la lutte fratricide, pendant onze années consécutives, entre le clergé constitutionnel et le clergé réfractaire se démontre par l'homologie du Concordat et de la Constitution civile du Clergé ; tant le premier est l'émanation de la seconde, à deux articles près.
Dès le 15 août suivant, Pie VII ratifia le Concordat et, le même jour, l'encyclique « Ecclesia Christi » annonçait la grande nouvelle au monde chrétien. Dans un premier bref, « Tam multa », il invitait les « archevêques et évêques de France, en communion avec le Saint-Siège » à se démettre de leurs sièges épiscopaux puis à les résigner entre ses mains. Dans un second bref, « Post multos labores », destiné aux archevêques et évêques « qui sans institution du Saint-Siège, occupent les sièges archiépiscopaux et épiscopaux en France » il leur demandait de quitter « incontinent leurs sièges » et leur promettait d'obtenir le pardon s'ils se conformaient à ses exhortations. Véritable apostolicide qui permettait à l'Église de France de repartir sur des bases entièrement nouvelles.
Bonaparte ratifia le traité, le 8 septembre suivant, mais il ne pouvait le promulguer avant l'approbation des Assemblées où siégeaient d'anciens Jacobins et beaucoup d'anticléricaux. Aussi prit-il son temps et l'incorpora-t-il ainsi que les « soixante-dix-sept articles organiques » (ces derniers contredisaient les termes du Concordat et ne furent jamais reconnus par le Saint-Siège) dans son projet de « Loi sur l'organisation des Cultes » qu'il fit adopter, le 8 avril 1802 par le Corps législatif épuré.
15 Août 1801 – Le Bref « Tam multa »
« Première catégorie, les évêques réputés légitimes parce que toujours institués par Rome. Bonaparte a cru régler la question en exigeant du pape Pie VII le bref Tam multa (15 août 1801), par lequel tous les évêques remettraient leur démission, laissant ainsi place nette pour recomposer un épiscopat conforme à ses vues. De tous les pays où ils sont encore émigrés, s’élèvent les véhémentes protestations des prélats contre ce coup de force unique dans les annales de l’Église. À Rome comme à Paris, on fut surpris de l’âpreté et de la longueur des négociations avec les intéressés. Il fallut attendre le 22 décembre pour qu’après de multiples péripéties, on parvienne à un résultat, somme toute médiocre au regard de cet épiscopat soumis au Pape : sur 94 évêques (non compris les 9 exerçant dans les pays réunis), 58 finirent par donner leur démission ; 36 autres s’opposèrent formellement, formant le parti anti-concordataire, avec à leur tête, un cardinal. En effet, Mgr. de Montmorency Laval, évêque de Metz, en exil à Altona (Allemagne) dans une lettre du 28 octobre 1801, demande roidement au Pape s’il a bien mesuré les conséquences de toutes ces « démissions simultanées » :
« Il ne m’est pas permis d’être indifférent sur le sort futur ni de mon église que j’abandonnerais, ni de l’Église gallicane toute entière qui, par tant de démissions simultanées, se trouverait momentanément éteinte et à l’extinction. »
Les Annales historiques de la Révolution française
29 Septembre 1801 – Le Bref « Post multos Labores »
« Il semble bien que ni le Premier Consul, ni ses conseillers, pourtant à l’affût des activités de la légation pontificale, n’aient eu vent de ce que tramaient les « Romains ».
C’est le 29 septembre qu’est présenté, en premier, à Royer (Paris) le fameux bref Post multos labores. Il existait en deux versions. La version, dite directe, celle d’un bref de Pie VII s’adressant aux réputés schismatiques en les traitant de « vénérables frères » et leur adressant, au final, sa bénédiction apostolique. Le Pape les exhortait « à revenir promptement à l’unité, à donner chacun par écrit sa profession d’obéissance et de soumission au Pontife romain et à renoncer aussitôt aux sièges épiscopaux dont ils s’étaient emparés sans l’institution du Siège Apostolique ». La version, dite indirecte, s’adressait à Mgr. Spina : il devait demander aux assermentés l’adhésion « aux jugements du Siège Apostolique sur les affaires ecclésiastiques de France », en clair, la reconnaissance des brefs de Pie VI anathématisant la Constitution civile du clergé et exigeant des prêtres déjà assermentés une rétractation dans les quarante jours.
Seule la version « indirecte » est présentée aux intéressés, laissés dans l’ignorance du texte « paternel » de Pie VII. Le secret est si bien gardé que Grégoire témoigne de sa surprise, en 1810, en consultant les archives romaines saisies par le pouvoir impérial.
Dans un contre rapport, Talleyrand n’a aucune peine à relever le parti pris de Portalis :
«Il suffit que les prêtres constitutionnels aient, dans une époque de la Révolution, appartenu au parti patriotique pour que toutes les voix anti-révolutionnaires s’élèvent contre eux ».
Le gouvernement veut faire œuvre « de rapprochement et de concorde » ; il faut donc qu’il reste objectif. Exclure les constitutionnels « serait diffamer et compromettre dans l’opinion publique tous les résultats de la Révolution ».
Aidé du soutien inespéré de l’abbé Bernier (qui voulait à tout prix sa mitre), Talleyrand raffermit Bonaparte dans sa résolution. Le ministre demandait la nomination de quinze constitutionnels (dont un pour Paris !) et Bonaparte, qui avait annoncé en vouloir douze, renchérit à vingt ! Seule concession faite au Pape (après l’avertissement de Cacault), Grégoire, « le seul à donner de l’embarras », ne serait pas promu. Bonaparte était pressé d’en finir. »
Les Annales historiques de la Révolution française
Je ne vous ai donné qu’un très petit extrait des difficultés des tractations en cours qui dureront plusieurs mois : les personnalités politiques ou religieuses impliquées, les démissions sans rétractation, le refus de repentance, et j’en passe…
18 avril 1802 – La Promulgation du Concordat
Le Premier consul, voulant frapper l'imagination populaire, promulgua le rétablissement du culte en France, le jour même de la fête de la résurrection du fondateur de l'Eglise chrétienne.
Le 18 avril 1802, jour de la célébration de la plus grande fête du Cycle Temporal chrétien, le bourdon de Notre-Dame, muet depuis une dizaine d'années, invita le peuple de Paris à se joindre aux autorités civiles et militaires pour célébrer, dans la joie, les retrouvailles de l'Eglise et de sa Fille aînée. Et les voûtes séculaires retentirent, à cette occasion, du plus bel hymne d'actions de grâces de la liturgie catholique le :
TE DEUM,
entonné par le nouvel archevêque de Paris, Monseigneur de Belloy. Les Consuls, la Cour consulaire, l'Armée, le Corps diplomatique et les Corps constitués assistaient à cette cérémonie du renouveau religieux. La mine renfrognée des militaires et des membres des Corps constitués, en service commandé, contrastait avec l'allégresse que manifestait la population de Paris. Ce qui fit dire au secrétaire du Premier Consul, Louis Antoine Fauvelet de Bourrienne, son ami de jeunesse, que les hommes de la Cour consulaire :
« ... avaient le plus contribué à la destruction du culte en France et ayant passé leur vie dans les camps, étaient plus souvent entrés dans les églises d'Italie pour y prendre des tableaux que pour y entendre la messe... »
Arthur Holle